Non, la vie n’était plus simple

Contribution d’Aymeric, via Main Tenant

Chacun vivait dans son coin. Ils ne s’étaient plus croisés depuis la rupture. Aussi fut-elle surprise quand elle reçut son invitation.

Fabienne était retournée vivre chez sa mère qui n’en demandait pas tant. Elle se sentait terriblement seule depuis le décès de Roger, le père de Fabienne. Depuis, confinée dans son appart de 60 m² dans le 20e arrondissement de Paris, elle était dépressive. A 64 ans elle sortait peu depuis qu’un AVC lui avait perdre les sensations de sa jambe gauche. Alors sa fille était plus que sa bouffée d’oxygène. Pour cette dernière ce n’était pas simple. Repartir vivre à 34 ans avec sa mère n’était pas un cadeau. Il lui fallait renoncer à son autonomie, à son désir d’avoir son espace de vie et son intimité. Il lui fallait supporter les questions intrusives chaque fois qu’elle recevait un appel sur son mobile. Il lui fallait surtout supporter les plaintes incessantes et l’aigreur de sa pauvre mère qui ne nourrissait que des regrets sur sa vie.

Ne lui avait-elle pas dit, dans une de leurs disputes grotesques et passionnelles, qu’elle regrettait de n’avoir eu qu’une fille unique ingrate et salope de surcroît. Qu’elle aurait dû quitter Roger ou lui faire un bébé dans le dos. Ou qu’elle aurait dû garder le bébé de Bernard, le voisin du deuxième étage, longtemps son amant, au lieu d’en avorter cinq ans après la naissance de Fabienne. Et dire qu’elle osait la traiter, elle, de salope.

Non, la vie n’était plus simple pour Fabienne. Elle regrette encore cette crise de jalousie de trop qui l’a fait partir de chez Cyrille. Ses démons s’étaient une fois de plus réveillés quand elle avait senti le parfum d’une autre femme sur ses joues. Il s’était défendu expliquant que c’était le parfum de sa sœur qu’il avait vue avant de rentrer. Elle ne voulut pas le croire. Elle lui avait crié dessus. Elle avait tambouriné sa poitrine de ses poings avant de lui renverser sur la tête le plat de spaghettis bolognaise qu’elle avait cuisinés ce soir-là. Puis elle était partie chez sa mère se calmer.

Il ne l’avait pas appelée. Ne lui avait envoyé aucun message. Elle avait bien essayé deux jours après de lui en envoyer un « Ça va, chéri ? » resté sans réponse. C’est donc le cœur battant et triturant dans sa tête tous les scenarios de réconciliation possibles qu’elle était revenue rue de Cambronne pour trouver la serrure changée. Impossible de rentrer dans l’appartement. Il lui avait renvoyé toutes ses affaires, y compris les cadeaux qu’elle lui avait offerts durant ces deux années de relation. C’était Jérôme son meilleur ami qui était venu les livrer dans le 20e.

Aujourd’hui elle s’est présentée en avance au restaurant. Habillée en couleurs Desigual. Ça changeait du noir deuil qu’elle portait très souvent depuis sept mois. Elle avait pris soin de se maquiller. Ce qu’elle ne faisait plus fréquemment. Elle avait mis du violet sur les paupières, utilisé un fond de teint ocre, et mis du rouge à lèvres couleur nude. Et par-dessus tout elle avait coupé court ses cheveux noirs comme il aimait. Sa maman lui avait dit qu’elle ressemblait à Halle Berry ainsi. Avec tout ça elle avait un brin d’espoir de le reconquérir pour qu’ils se remettent ensemble.

 

Merci au blog Main tenant qui a relayé cette consigne et à ses lecteurs qui ont été nombreux à répondre à l’appel !