La généalogie c’est quelque chose

Contribution d’Olga, Créteil

Plusieurs raisons amènent les personnes à se réunir comme une conférence, un meeting sportif ou je ne sais quoi d’autre, des tas d’explications justifieraient notre présence ici comme ailleurs ; Moi j’en ai une bonne… qui vaut bien le déplacement !

Après des heures passées à chercher l’inconnu, à retourner ciel et terre dans l’espoir de trouver la pièce manquante encore et encore… n’allez pas demander à tous ces passionnés de s’arrêter en chemin, c’est impossible ! Toute la famille se penche au-dessus de l’Arbre qui grandit sous leurs yeux au fur à mesure, que s’inscrit sur de nouvelles branches le nom de famille des descendants d’un côté comme de l’autre ce qui est moins évident.

Joséphine est le prénom de cette mère de famille qui s’active dans les derniers préparatifs en vue d’un voyage organisé et familial. « L’Auvergne est un département que je ne connais pas et en cette saison les manifestations sont multiples ; voilà une occasion supplémentaire d’y aller ». Les bagages ne sont pas encore bouclés et dans ces derniers instants où il n’y a plus une minute à perdre, Joséphine s’y prend comme un chef d’orchestre qui mène la cadence, auprès de son mari, des enfants et même de belle maman et beau papa qui se joignent à nous, leur présence en cette circonstance est souhaitée. Il reste encore une petite place dans ce sac de voyage pour la trousse de toilette.

— J : Marion ! Dépêche-toi ! C’est pas le moment de traîner.

— M : Mais maman ! il y a pas le feu !

— J : Peut-être mais le temps file et nous le serons bientôt… Où es passé ton frère?

— M : Mais m’an je n’sais pas !

— J : Tu ne pars pas les mains vides ! Aide-moi à porter les bagages.

Une heure plus tard tout le monde est enfin prêt, le coffre est rempli , chacun a prit place dans le véhicule ; Joséphine est soulagée le visage rayonnant de bonheur elle va pouvoir enfin se détendre, Patrick fera la route, il n’y a plus qu’à. Aujourd’hui la météo prévoit du beau temps pour la journée. Plus personne ne dit mot, les enfants sont sur leur Iphone, Mamie est coiffée de son caque audio, Papi a pris avec lui son livre de route et la feuille sur laquelle il a inscrit le parcours à suivre, avec les sorties d’autoroute, la direction à prendre par la départementale ; quelle tranquilité ! Après une heure de route Annie entame la conversation.

— A : Nous serons combien ? En as-tu une idée?

— J : En grand nombre… D’après ce qu’on m’a dit ils ne pourront pas tous être présents, environ… quatre cent convives quelque chose comme ça.

— A : Ah ! C’est déjà pas mal, dis ! Heureusement qu’on n’est pas obligés de faire des cadeaux à tous ceux-là !…

Nicolas et papi jouent ensemble au quiz.

— N : On nous avait pas dit mille invités ?

Maman et Mamie ne semblent pas avoir entendu la remarque de Nikos ou l’on zappée, Nikos qui n’insiste pas plus longtemps et se plonge à nouveau sur la tablette, ils ont l’air de bien s’amuser, Annie quant à elle n’a pas perdu de temps, elle s’est remise sous son casque et se dandine à tout va sur un rythme de Cloclo, le trajet se passe bien malgré la circulation dense. Patrick s’engage sur une aire d’autoroute, il est temps de se détendre et de sortir les sandwichs au thon et au fromage, les boissons, et le café. Joséphine fouille au fond de son sac à main pour y attraper son téléphone puis se lance dans une conversation ciblée sur notre réunion, on entend des rires fuser du portable, et Joséphine rire à son tour, l’ambiance est joyeuse. Nous ne sommes plus qu’à deux de route dit-elle tout en plaisantant, nous faisons une pause casse croûte d’une demie-heure environ avant de repartir, pas de problèmes ajoute-t-elle, je vous rappellerai à notre arrivée. Tout ça enfin réglé nous pouvons passer à table.

C’est drôle d’aller se retrouver tous en Auvergne alors que nous ne connaissons personne dans ce coin remarque André.

— J : Oui c’est vrai, on m’aurait dit en Bretagne Pays de Loire j’aurai compris, mais c’est ça la généalogie, il en va parfois de découvertes surprenantes et nous allons en découvrir d’autres beaucoup plus inattendues.

 

— M : Combien de sucre papa, dans ton café?

— P : Un seul comme d’habitude, merci ma fille ton café est comme toujours délicieux.

— M : Papa tu sais me flatter.

— P : Qu’est-ce que tu veux c’est comme ça, c’est toi qui fais le meilleur café de la maison.

Patrick est d’humeur joviale, et propose à Marion d’aller se défouler en faisant quelques exercices d’assouplissement avant de reprendre la route, ce que Marion accepte volontiers.

Nous y sommes presque, nous quittons l’autoroute A 71, pour emprunter la départementale 941 qui nous mène à destination de Volvic. La circulation ralentit, il y a peut-être un accident ou des travaux, la radio ne dit rien à ce sujet, mais elle a parlé d’un bouchon de deux kilomètres.

— M : Vous voyez pas qu’on aille tous au même endroit?

— N : Dis pas des bêtises Marion on va pas tous au château !

Marion n’est pourtant pas si loin de la vérité qu’on ne s’imagine ; des personnes arrivent par vague, ce sont des familles entières, et c’est un incessant déploiement qui se déroule ici à quelques centaines de mètres de cette bâtisse qui nous ouvre en grand ses portes ; d’autres continuent à venir mais c’est un vrai cortège qui s’avance bouchant la rue et la circulation de tous les côtés, l’estimation faite est d’un millier de personnes toutes générations confondues. Cet évènement ressemble à une manifestation telle une brocante géante, qui a monopolisé toute la ville pour que cela se déroule sous de bonnes conditions ; la municipalité participe à l’évènement et met en place la circulation et la sécurité, y compris dans le parc du château.

Tout est prévu y compris l’hébergement des hôtes car certains viennent de loin. En effet, des cousins arrivent de tous les coins de l’Europe, mais nous verrons ceci au fur et à mesure. Pour l’instant, nous sommes accueillis comme des princes, on nous donne un bracelet qu’on mettra à son poignet, Joséphine le met au fond de son fourre-tout, et la petite famille s’avance en direction de l’estrade où se dresse un écran géant.

— N : Je croyais avoir entendu qu’on serait quatre-cent !

— J : C’était pour nous faire une surprise… C’est probablement ça.

L’entrée se fait dans le parc de la très grande propriété prêtée par un cousin : le château de Tournël c’est amusant non ? Nous nous sentons chez nous en famille, tout se passe très bien, l’endroit est magnifique, aménagé d’activités pour les sept à soixante dix-sept ans, les premiers échanges se créent instinctivement selon les attirances, on échange quelques mots, des banalités, puis très vite on cherche à se connaître en posant des questions plus directes, auxquelles nous répondons à tour de rôle, tout en essayant de dénouer les liens, et de trouver la trame qui nous unit avant même de réussir à se comprendre, la langue rend les échanges un peu plus compliqués, car voilà mon anglais scolaire manque de pratique. De découvertes en découverte dans tout ce méli-mélo de questions et de réponses hétéroclites, je vous mets en gage de vous y retrouver. Pas question de se décourager les choses finiront bien par s’éclaircir me dis-je enfin. Mais grâce à mon petit Nikos qui a vu la difficulté dans laquelle je me trouvais avec cette cousine venue du Canada et avec qui je viens de faire un brin connaissance, je sais à présent utiliser le traducteur ce qui me met dans une joie immense.

Les membres s’activent à mettre en place des chaises dans la salle de conférence et de projection, en vue d’un film réalisé par les personnes présentes qui après quelques années de recherche auprès des mairies, des associations, et des réseaux sociaux, et réalisées un travail de fourmis tel un vrai puzzle géant, ont fait le rassemblement de documents historiques auxquels s’ajoutent des photos qui retracent la vie des familles, leurs passés bouleversants, plus des témoignages à la clé. Les préparatifs ont débuté depuis quarante-huit heures, la journée sera longue et pleines de surprises inattendues, sinon ce ne seraient pas des surprises, qu’il me hâte de découvrir. Cela fait quand même plusieurs mois que nous sommes les pieds dans le plat, l’excitation est à son comble. Il me faut plusieurs cafés pour tenir le coup, mais c’est le contre coup qui va finir par nous achever. Les enfants courent dans tous les sens et s’en donnent à cœur joie, aujourd’hui on n’a pas le temps de les réprimander et ce n’est pas non plus le moment de jouer les gendarmes. Il ne faut pas oublier le motif de notre présence en ce jour d’inauguration et qui sera pour nous une date commémorative. Oui bien sûr, nous sommes là pour une raison spéciale, il n’y a pas de secret pour vous, nous sommes ici en réunion de cousins. « Une « cousinade. » Vous savez tous ce qu’est une cousinade ? En effet nous avons des gènes communs, nous avons un homme et une femme tout comme Adam et Eve sont les parents de l’humanité ; donc nous sommes tous ici cousins venus des quatre coins de la planète. Rien n’aurait fait qu’on se rencontre si la recherche généalogique et l’analyse de l’ADN n’avaient eu raison de notre rencontre. Maintenant que nous nous sommes en famille avec le groupe d’invités, c’est très drôle de constater chez certains sujets comme un air de famille qui flotte dans l’air.

La généalogie c’est quelque chose, lorsqu’on commence à plonger son nez là-dedans on n’arrête plus de s’y pencher. Tout a commencé par un test ADN, un peu de salive sur un coton-tige, et tout est dit histoire d’en savoir un peu plus, parce qu’on savait ! Mais pas tout, et puis au début ce fut un jeu, et ce jeu a pris des proportions qui n’en finissent plus. Du coup nous sommes là pour passer un bon moment ensemble, voilà tout. Une immense table est dressée pour accueillir cette très grande et récente famille, que rien ne devait réunir, mais grâce à la science génétique, nous avons tous ici présent cherché à nous voir.

Il y a deux mois je reçois les résultats par email de ma recherche généalogique, et si aujourd’hui nous sommes réunis ici c’est pour la même raison.