Liberté retrouvée

Contribution de Véronique, via Encrelignes, Boissy-Saint-Léger

Ils étaient huit, huit jeunes gens qui ne se connaissaient pas vraiment, chacun avait choisi son futur ; études longues, artisanat, d’autres réfléchissaient encore. Ils avaient tous perdu un grand-père dans les tranchées, un père dans un trou d’obus, un cousin otage fusillé.
Ils vivaient mal l’occupation allemande. Leur pays, si dramatiquement attaqué et courageusement défendu était encore aux mains de l’ennemi.
Avec la fougue de leur jeunesse, ils avaient mis entre parenthèses leur vie privée et avaient décidé de faire, eux aussi, quelque chose pour leur pays.
Ils allaient y arriver, ils en étaient sûrs. Bien qu’isolés dans différents villages des Landes ils avaient réussi à s’organiser très vite. Des rassemblements clandestins se faisaient dans la forêt la plus épaisse du département.

Tout d’abord, il fallait prendre un pseudo… Petit à petit quelques granges abandonnées furent investies. Une radio amateur bricolée par un futur ingénieur était cachée derrière le foin de la grange de Ferdinand. Amédée, lui s’occupait des bicyclettes des filles, Marcel avait en charge le ravitaillement de tous. Poulets, œufs fruits de saison mais pas trop à la fois pour ne pas éveiller les soupçons. Les réunions se faisaient en forêt, jamais au même endroit, en silence, loin de tout.
Il fallait être efficace, ne pas avoir peur face à l’ennemi, se séparer souvent ne pas être vus ensemble.
Les filles, à vélo, transportaient des victuailles régulièrement éventrées par les baïonnettes de l’occupant. A force de contrôles infructueux l’habitude était prise de les laisser passer. En cas de relève, les messages étaient rédigés sur les rubans à fleurs qui attachaient leurs cheveux. Indécelables tous ces messages. Sans les connaitre on aurait pu penser qu’elles s’entendaient bien avec ces « boches ». Les jolis sourires faisaient fondre tous ces soldats en mal de câlins et la route s’ouvrait. Les filles courageuses parcouraient la campagne, faisaient passer les nouvelles fraîches attendues. Les garçons, écoutaient la radio, faisaient des plans vite brûlés dès que vus et appris par cœur. Le spécialiste en BTP faisait le nécessaire pour faire sauter les ponts, le futur mécanicien s’activait la nuit pour mettre en panne motos et voitures qui les gênaient dans leur travail. De temps en temps ils apprenaient que des jeunes français avaient été torturés avant d’être tués. Ils avaient chacun une capsule de cyanure au cas où. …
La grand-mère de Marcel cousait des drapeaux français, bientôt utiles disait-elle avec ferveur.

Un jour tout changea. Les cloches des églises se mirent à sonner à tout va, toutes ensemble.

Ça y est, c’est fini !!!… Méfions-nous tout de même, un sadique embusqué peut encore se réveiller.

Dans la petite ville la plus proche, la population s’était rassemblée. Les drapeaux s’agitaient à bout de bras, aux fenêtres, aux branches des arbres. Les femmes pleuraient de joie, quelques-unes hurlaient de bonheur. Le notaire qui connaissait la vie des résistants et en avait gardé le secret venait les remercier, les féliciter avec bonheur.
Nos huit héros firent alors la connaissance de jeunes gens, qui, comme eux avaient vécu une clandestinité réussie.
Ils étaient là. La vie allait être belle, ils prévoyaient déjà de grimper la dune du Pilat pour la dévaler jusqu’ à la mer, en liberté.
 

 

Merci à l’association encrelignes qui a fait vivre cette consigne malgré l’annulation forcée des ateliers !