Contribution de Francis, via Main Tenant
Chacun vivait dans son coin, bien aménagé, bien approvisionné, bien à l’abri du danger de la contagion.
Pas de bavardages dans votre cage d’escalier ! Restez chez vous, restez chez vous !
Jeanne sait qu’elle a beaucoup de chance d’habiter dans un studio minuscule face à la mer. À son âge, plus de quatre-vingts ans, elle qui connaît bien la ville, elle imagine très facilement comment vivent les habitants pendant ce confinement.
Ceux des quartiers nord et ceux du sud.
Personne sur les quais ce soir ni les autres soirs pour admirer le soleil couchant qui embrase le port. Restez chez vous ! Restez chez vous !
Nous sommes confinés pour le bien de tous ! Profitez bien de ceux qui vous sont proches !
Jeanne reste bien tranquille. Ses jeunes voisins lui font ses petites courses. Elle se répète plusieurs fois par jour un proverbe danois qu’elle a entendu dans une émission sur le Bonheur : « Quand il y a de la place dans le cœur, il y en a dans la maison. »
À son âge, elle voudrait avoir cette sagesse. Mais non, c’est Charles Trenet qu’elle préfère :
« Bleue, bleue, notre vie est un triste sort,
toujours enfermés, on voudrait vivre dehors. »*
Jeanne parle à ses petits-enfants sur Skype chaque jour. Elle est parfaite comme mamie. Elle a de beaux souvenirs qui la tiennent toujours pleine de vie.
Pourtant elle se languit de ses vieux amis, Anaïs, Matias et surtout Luigi qui toussait et qui toussait d’une façon si inquiétante, il y a plus d’un mois.
Que deviennent-ils ? Impossible de les rencontrer comme chaque matin au marché aux poissons.
C’est alors qu’un SMS arriva, pas attendu à cette heure tardive de 19 heures.
« Jeannou, Luigi guéri du coronavirus !!! Rdv sur son pointu pour balade en mer cet été. »
Là, Jeannou a le cœur qui bat gonflé d’espoir. Avec ses chers amis nés comme elle avant la guerre (ils en ont vu d’autres !) elle va tenir bon. Tous, nous tiendrons bon. On l’aura ce méchant virus !
Et puis cette solidarité pour lutter ensemble nous fera changer nos cœurs.
Nous nous retrouverons heureux d’être à nouveau ensemble.
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* Charles Trenet, L’école buissonnière.