Contribution de Pat Hibulaire, Marolles
Ce soir autour du feu dans le « Cantou », mes parents et moi nous regardions le feu crépiter. Une douce chaleur nous entourait car pendant ces longues et froides soirées d’hiver, il faisait bon d’être réunis.
Après nous être restaurés en dégustant la bonne potée auvergnate que ma mère avait préparée dans la journée, nous écoutions religieusement mon père qui nous racontait l’aventure qui lui était arrivée dans l’après-midi pendant qu’il travaillait son bois sur nos terres corréziennes du Plateau des Mille Vaches.
Mon père avait profité d’une éclaircie pour améliorer son stock de bois en prévision du long hiver qui avait l’air d’être bien installé.
Le ciel était d’un bleu parfait. L’air était sec et frais et le soleil offrait de magnifiques couleurs à nos montagnes.
L’air sec et vivifiant transportait des senteurs d’ajoncs et de bruyère, le vent glissait sur ses joues et sur ses bras pendant qu’il bûcheronnait son bois et profitait des senteurs qui sortaient de ses coupes.
Il adorait ces moments de solitude au travail. Il aimait profiter de ces heures de labeur en les laissant envahir son corps et ses réflexions.
Il se remplissait de toute cette ambiance par son âme, par son corps et par les esprits qui lui envoyaient quelques messages.
Il laissait souvent planer sur nous ses récits et ses états d’âme.
Il avait des dons de conteur et souvent la famille, les amis lui demandaient de nous faire voyager ou rêver de ses histoires réelles ou inventées de toutes pièces. Cela lui donnait un côté mystérieux et j’aimais ressentir ces sentiments de fierté et de curiosité mêlées.
Malgré mon jeune âge et pendant ces moments privilégiés je ressentais souvent de drôles de sensations sans pouvoir les exprimer.
Cela m’offrait un certain bien-être sans que je puisse le comprendre. J’avais la sensation que quelque chose de sublime et d’impalpable nous entourait comme une sensation de présence.
Mon père disait qu’il y avait quelque chose au-dessus de nous, il pensait que nos ancêtres ou des êtres de lumière nous protégeaient et nous guidaient sans dire mot.
Il nous disait qu’il arrivait de temps en temps à se connecter avec eux, sans les voir ni les toucher mais il était sûr de leur présence.
Pendant cet après-midi il pensait au printemps qui allait revenir, à ses travaux des champs qu’il devrait entreprendre pour ses futures récoltes. Il pensait aussi aux jeunes agneaux qui allaient bientôt naître et remplir à nouveau notre bergerie.
Il pensait à sa femme, belle comme une princesse qu’il chérissait plus que tout au monde.
Ma mère, je l’adorais moi aussi depuis mes premiers jours.
J’aimais les doux instants lorsque posé sur ses genoux je pouvais respirer son parfum et sentir la caresse de ses cheveux et surtout le cadeau de tout l’amour qu’elle m’offrait.
Pour le coup mon père nous raconta qu’à ce moment précis où il pensait à sa famille, de ses projets il ressentit un souffle particulier et une lumière particulière autour de lui.
Des chants de femmes et d’enfants vinrent se rajouter à cet instant. Des êtres de lumière se posèrent sur la lande et lui adressèrent de douces paroles.
Dans ce moment si étrange, il reconnut un bon nombre de ses ancêtres. Ils étaient autour de lui bien présents.
Ils lui parlèrent à mots doux et lui confièrent les évènements qu’ils avaient vécu dans cet autre monde.
Nous étions nous aussi à ses côtés et nous pouvions les voir et les toucher. Nous entendions nous aussi leurs voix et tous ensemble réunis nous étions prêts à partir pour ce long voyage de l’autre côté du temps.
Nous étions nous aussi passés de l’autre côté après l’explosion de la bombe qui venait de s’abattre sur notre ferme pendant cette sale guerre qui faisait rage sur notre beau pays de France.
A quelques heures près, nous aurions pu poursuivre nos vies ici-bas, les alliés, nos sauveurs, avaient réussi à franchir les lignes ennemies. Notre pays était de nouveau libre.
Pour notre famille de nouvelles aventures commençaient dans cette dimension immatérielle…