Tiède et jaune

Contribution de Guénolée via le Décaméron

En fait, on n’était pas chacun dans son coin, car il n’y avait pas de coin.
On était bien en rond, bien tassés, sans bouger, dans ce qu’on pourrait appeler un genre de panier. On ne parlait pas non plus. On attendait.
A l’extérieur, on était lisses et beige. Certains avaient des taches de rousseur. C’était joli. Dedans, c’était tiède et jaune.

Mais qu’est-ce qui est arrivé ?
Est-ce qu’on peut comprendre après coup un évènement comme ça ?
Tout le monde s’interroge. Il y a beaucoup de réponses.
Est-ce que c’est la mort de la mère, dans des hurlements, une agitation violente, des mouvements hystériques et agressifs, un nuage de plumes qui obscurcit le soleil ?
Est-ce que c’est un froid glacial qui nous gèle à mort, même si on essaie de se tenir chaud en se serrant les uns contre les autres ?
Est-ce que c’est un astéroïde qui fonce sur nous, et nous écrabouille ?
Est-ce forcément une catastrophe ?
Nous partons peut-être ensemble vers un futur radieux ? Radieux ? C’est peut-être trop. Je n’y crois guère. Mettons un futur meilleur. Ça, c’est plus probable.
Mais voilà que des mains agiles nous prennent, un à un, et nous fracassent. Oui ! Et ce n’est pas le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain à la Prévert, je vous prie de le croire, c’est une éventration brusque, et nous coulons, nous coulons, blanc et jaune, tandis que nos jolies coquilles, en mille fragments, craquent et se brisent, sans remède.
Sommes-nous morts ?
Non, nous nous mêlons avec douceur, avec tendresse, on nous mélange, on nous agite, on nous ajoute quelques acteurs qui nous pimentent et nous parfument, et nous nous retrouvons, ensemble, après l’épreuve du feu, dans un délicieux gâteau rond et doré, qui réjouit les corps et les cœurs.

Nous restons ensemble, il faut le savoir.

 

Merci à la cie Superlune qui a relayé cette consigne pour le final de son Décaméron et à toutes celles et tous ceux qui ont répondu à l’appel !