Un arc-en-ciel

Contribution de Véronique via le Décaméron

Il était une fois, quelque part dans l’Univers, un immense jardin.
A part le chant des oiseaux, le silence régnait.
Depuis longtemps et, personne ne savait exactement depuis quelle date et pour quelles raisons, la parole des hommes y était interdite, comme le rire des enfants, la musique et les chants.
Les forêts, les arbres, les arbustes, les buissons étaient taillés au cordeau, les murs étaient hauts de briques ou de pierres blanches.
Derrière ceux-ci vivaient des femmes, des hommes, des enfants, certains au bord des crêtes, d’autres au fond du gouffre mais tous derrière des grilles, des pans de plâtre et ciment, des cloisons de bois ou de carton, des murs de rondins, des blocs de béton et de verre.
Toute sortie était impossible sans une autorisation spéciale rarement accordée.
Certains vivaient en petist groupes plus ou moins grands appelés familles, d’autres en couple comme des tourterelles, un grand nombre cependant, derrière leurs murs, était dans une totale solitude.
Chaque membre de chaque communauté, condamnée au silence, communiquait avec les autres membres des autres communautés par des éléments de couleur posés et renouvelés chaque jour sur leur tête.
Ils se voyaient ainsi de leurs fenêtres.
Les signes visuels avaient plusieurs interprétations possibles et le plus souvent les communautés ne se comprenaient pas.
Elles se moquaient les unes des autres par de grands signes qui signifiaient au pire mépris, au mieux indifférence.
La nuit se posait à la fin de chaque jour sur un bloc de silence de plus en plus compact.

Et puis est arrivé, à l’aube d’un nouveau jour, un arc-en-ciel.
L’arc de couleurs se dessina entre les briques et les pierres blanches.
La lumière irisée entra par les fenêtres et les femmes, les hommes et leurs enfants se mirent à chanter.
Leurs chants gagnaient tant l’espace que les murs de carton, de bois, de béton tombèrent les uns après les autres entraînant avec eux interdictions, vitres et fenêtres.
Libres, ils se regardèrent ainsi, les uns les autres, étonnés, au milieu des amas de pierres.
Ils ne s’étaient jamais trouvés autant si proches.
Certains étaient noirs, d’autres blancs, d’autres encore jaunes, ocres, cuivrés.
Leurs cheveux avaient pris les couleurs de l’arc-en-ciel.
Ils se trouvèrent beaux.
Ils eurent envie de s’embrasser, de s’aimer et de rire ensemble.
Ils se découvrirent des différences, que ces différences étaient sources d’enrichissement et qu’il était bon d’être ainsi côte à côte, sans frontières d’aucune sorte.

Depuis ce jour, quelque part dans l’Univers, un immense jardin abrite des femmes, des hommes et leurs enfants, ceux-ci vivent ensemble, sans murs d’aucune sorte, ils savent s’écouter, se comprendre, se respecter et, surtout et avant tout, ils savent rire ensemble de tous les interdits.

 

 

 

Merci à la cie Superlune qui a relayé cette consigne pour le final de son Décaméron et à toutes celles et tous ceux qui ont répondu à l’appel !