Un jour sans

Contribution de Yasmina via le Décaméron

Jour(nal) « sans » d’un confiné, ou de l’envie de dégueuler

 

« Chacun vivait dans son coin et puis quelque chose est arrivé nous étions ensemble. » Bim. Je crois que j’ai pété l’ordi avec mon poing en entendant cette bribe de phrase aux infos.

Cette phrase ne m’inspire rien.
Sans doute parce qu’aujourd’hui est un jour « sans » et que comme toute journée depuis le début de confinement, chaque sensation finit par être décuplée.
Non, ce n’est pas ça.
Cette phrase m’inspire colère et cynisme. Elle semble inviter au positivisme alors que j’ai juste envie de chialer et de disparaitre ou de frapper très fort quelqu’un je sais pas au choix.
Un jour « sans » quoi.

On l’a pourtant très vite pressentie ; l’analogie évidente entre ce confinement à durée indéterminée et un marathon. Qu’il nous faudrait tenir. Tenter de préserver sa santé physique ET psychique S’occuper Créer Créer surtout !
Génial, comme si j’avais besoin d’une claque supplémentaire dans ma gueule de petit intermittent.

Déjà que tu te dois d’être inventif et au taquet toute l’année pour pouvoir racheter le soi-disant privilège — que tu as choisi ferme ta gueule ! — d’être un artiste au chômage (rappelons ici qu’être comédien n’est pas un métier et que même si tu travailles toute ta vie on s’en tape : chaque mois tu t’actualises auprès de ton chômage et tu fermes ta gueule j’ai déjà dit ! T’as la piscine et les musées gratos ok ?).

Manquait plus que ça : une injonction tacite à la créativité et si possible, à la mise en scène encore plus no limit de ta personne, sur ces putains de réseaux sociaux.
Haaaa les réseaux sociaux ; théâtres de vignettes mal jouées où chacun vend son cul et son âme selon la convention qu’il aura choisie sur le moment : « plutôt tragédie aujourd’hui ? Ho ! Si je faisais chier les gens en me plaignant bien longtemps ? Vite je vais faire éclater mon bonheur, j’espère que les gens tristes le seront encore pluuuus ! Allez, alleeeeeeeez likez-moi c’est mon unique source de dopamine en ce moment ! Hi hi hi c’est tellement chouette de pouvoir poser sa merde ici déguisée en partage altruiste et trois petits tours et puis s’en s’en vont ».

Ça me casse les couilles.
Ça me les brisait déjà avant le confinement.

On vivait chacun dans son coin et puis quelque chose est arrivé ; un virus de merde est apparu dans cette immense chiasse déjà dégoulinante de connerie humaine, et, pour une fois, nous étions ensemble. Vraiment tous ensemble à nous débattre dans notre propre caca.

Amen.

 

 

Merci à la cie Superlune qui a relayé cette consigne pour le final de son Décaméron et à toutes celles et tous ceux qui ont répondu à l’appel !