Un jour, Violette…

Contribution d’Aurane, Créteil

Avant d’arriver à ce « quelque chose », il faut bien comprendre que tout était déjà en germe et ne demandait qu’une petite étincelle pour se mettre en branle. Depuis longtemps déjà, au plus profond de leur cœur, tous savaient qu’il allait se passer « quelque chose », tous l’attendaient pour enfin s’ouvrir et commencer à vivre.

Ce qui rapproche les êtres, ce sont les menaces et pas les peurs qui les isolent, les rendent méfiants. Cette fois, la menace était assez universelle pour réunir tout un quartier, toute une ville. Ce qui manquait, c’était un accord sur les moyens d’agir. Chacun avait son point de vue en fonction de son expérience et de ce qu’il avait à perdre – confort, richesse, pouvoir – et pour ceux qui n’avaient plus rien à perdre, ils n’avaient plus de point de vue non plus, tant ils dépensaient leur énergie à survivre à chaque instant. Entre ceux qui se perdaient dans des vies trop vides à vouloir les remplir d’actes sans signification et ceux qui ramaient à remplir un quotidien où tout manque, quel serait le lien ?

Les crises profondes révèlent ce que nous sommes vraiment. Quel fut le déclic ? Un ouragan si fort que tout est par terre ? Un incendie si énorme que tout est en cendres ? Ou bien seulement un chant d’oiseau là où ils avaient disparu ? Un sourire spontané, sans intention de « faire plaisir », de « bien se comporter », juste pour s’adresser à l’autre et lui dire que nous sommes « frères et sœurs » ? Un instant, juste un instant, la perception de ce que nous sommes a suffi pour percevoir le monde autrement, pour ne pas voir le climat qui se transforme, la biodiversité qui disparait comme un danger, pour ne pas nous sentir coupables et au contraire pour sentir que la terre Gaïa nous aime.

Ce qui est sûr, c’est qu’un jour, Violette, lasse de son studio dans une barre d’immeuble comme il en existe des milliers d’autres, a entendu la demande de son enfant. Ce soir-là, avant la tombée du jour, l’enfant a vu la lune dans son premier quartier et l’étoile qui l’accompagne. Ce n’est pas vraiment une étoile, c’est Vénus. « Viens maman, allons jouer dehors, allons faire une cabane dans les arbres pour écouter les oiseaux, on a bien temps de faire les devoirs. » Rompant avec la routine, libérée momentanément de ses tâches, la voilà qui entend à son tour le chant de la nature et il lui vient l’envie de renouer avec ses racines. Elle se rappelle sa mère, sa grand-mère qui semaient des haricots pour nourrir la famille. Elle se rappelle la joie de voir les légumes pousser. Entre les dalles de béton, un bout de pelouse dégarnie laisse un peu de place pour un semis. Patiemment, elle prépare le terrain, prévient les voisins, organise sa petite parcelle. L’enfant a pris l’habitude de venir contempler les plantes, de voir les fleurs puis les gousses. Les voisins aussi se prennent d’intérêt pour le nouveau jardin qui ne demande aucun papier, ni aucune autorisation, sans barrière ni clôture. La récolte ne fut pas bien grosse cette année-là, le plus important était ailleurs. Le quartier avait redécouvert son environnement et la vie reprenait du sens.