Atelier théâtre et vidéo en prison, 2019.
L’atelier de création artistique Ma gueule de l’emploi (ou comment j’ai réinventé mon métier) s’adressait à un groupe de personnes détenues (une douzaine) de la maison d’arrêt des hommes de Fleury-Mérogis (91). Il a été mené par les metteurs en scène François Chaffin et Céline Liger, au dernier trimestre 2019, sur une douzaine de séances.
Une création autour des métiers rêvés, de ce que l’on imagine quand on pense à un travail idéal, dans lequel celui ou celle qui le réalise conjugue les voies de son épanouissement personnel et sa reconnaissance au sein de la société…
La fantaisie, l’humour, le décalage contestataire ont été les épices de cette galerie de portraits de travailleurs inventifs et hors normes.Vendeur de jour, avocat du diable, dealer d’espace ou vétérinaire d’écorce terrestre, ils nous ont réenchantés…
Un jour, j’en ai eu assez qu’on me vole mon temps, assez d’être un oublié-de-la-vie, j’avais la haine… Alors j’ai voulu le rattraper, le temps, en voler un peu à ceux le méprisait. Voleur de temps, je m’en remplis maintenant les poches, et comme Robin des bois, j’en offre aussi à ceux qui n’en ont pas. (Y., Voleur de temps)
Mon métier consiste à détruire tous les murs, les clôtures, les grillages, les barrières et les portails que je trouve sur mon chemin. Par ailleurs, mes missions m’amènent aussi à effacer les frontières, démolir les cerveaux étroits. Si vous préférez, je suis celui qui brise toutes les limites. (A., Gardien de ma liberté)
Premier mouvement : l’écriture !
Dans un premier temps, nous avons formé un corpus textuel à partir d’ateliers d’écriture, d’emprunts à la pièce 51 mots pour dire la sueur de François Chaffin.
Ce texte matériau a été ensuite travaillé en atelier afin de déterminer quelles seraient les parties filmées et quels autres textes seront interprétés au plateau. Cette répartition a tenté, chaque fois que possible, de privilégier les combinaisons simultanées théâtre et vidéo : par exemple, pour une scène d’embauche, le recruteur apparaissait à l’écran et posait ses questions, les réponses du postulant à l’emploi étant données depuis le temps présent de la représentation.
Animé par des consignes facilitantes et ludiques, l’atelier a proposé aux participants de se risquer dans une écriture inventive, en dehors de toute évaluation scolaire, afin de s’intéresser à ce qui, dans ce qu’on écrit, échappe aux usages normés de la langue, pose question, émeut, provoque l’envie de lire, de clamer ! Il a offert aux participants l’opportunité de bousculer et de ré-inventer les codes d’écriture des documents incontournables associés au monde du travail : Curriculum vitae, petites annonces, lettre de motivation, candidatures spontanée, règlements, etc…
Deuxième mouvement : de l’écriture à la création !
Dans un second temps nous avons tourné les séquences vidéo avec les participants à l’atelier, au sein de notre local d’animation provisoirement transformé en studio de prise de vue. Un travail de post-production (montage des rushes, étalonnage, post sonorisation et découpage en séquences) s’en est suivi pour pouvoir créer ensuite le contre-point théâtral de ce projet.
A partir des textes produits par les participants à l’atelier, comment inventer une forme spectaculaire destinée à se présenter en public, qui formerait la caisse de résonance de l’écriture ?
Tous les moyens ont été bons pour mettre en jeu les textes des personnes détenues : de la réalisation de séquences vidéo à l’enregistrement radiophonique, sans oublier la mise en voix théâtrale ou le concert de mots. Nous avons cherché à créer un spectacle composite, nous servant des médias précités pour inventer un alliage scénique singulier et percutant.
Dans un troisième temps, nous avons répété cette forme spectaculaire hybride, dans notre petite salle d’activité du bâtiment D1, conjuguant le travail d’acteur de théâtre avec les séquences vidéo.
Mouvement final : les représentations !
Puis est venue l’heure de l’espace (scénique) et des restitutions publiques…
La bonne volonté et l’investissement des participants devenus acteurs était fondamentale pour mener à bien ce projet ambitieux, et ce fut un réel plaisir de les voir et de les entendre s’investir dans sa réalisation.
Tout d’abord lors de la première représentation le 20 janvier 2020 au sein de la Maison d’arrêt des hommes.
Puis lors de la seconde représentation au dehors, programmée au Théâtre Paris Villette le 24 janvier 2020, dans le cadre du festival Vis-à-Vis (festival de création artistique en milieu carcéral). Et ce fut un moment fort, récompensant leurs efforts.
Les partenaires du Théâtre du Menteur pour ce projet ont été la DRAC (SDAT) et le SPIP de l’Essonne, la Région Ile-de-France, le Conseil départemental de l’Essonne, et la fondation Banque Populaire Rives de Paris.