Vis-à-vis : de la prison à la scène

De Concert, l'atelier du Théâtre du Menteur à la prison de Fleury-Mérogis, sur la scène du Théâtre Paris Villette
Extrait du Parisien

Janvier 2016, restitution de l’atelier artistique mené par le Théatre du Menteur à la Maison d’arrêt des hommes de Fleury-Mérogis, De Concert*. Un concert de mots, présenté le 25 janvier 2016 à la Maison d’arrêt des hommes de Fleury-Mérogis, puis le 29 janvier au Théâtre Paris-Villette, dans le cadre du festival Vis-à-Vis, deux jours autour du travail théâtral en prison de plusieurs compagnies. Franc succès public (salle comble) et beaucoup de presse, en voici des extraits…


*De Concert ? À partir d’un travail texte et voix mené sur la vitalité en 2014, auquel ont répondu en écho par l’écriture de nouveaux participants en 2015, nous avons construit une correspondance artistique originale (textuelle, vocale et musicale) mêlant artistes amateurs et professionnels en partenariat avec l’Orchestre Symphonique Divertimento. Pour une présentation détaillée de ce nouveau cycle d’ateliers en milieu carcéral, voir la page De Concert

 

 

« Le théâtre plutôt que la muscu » : revue de presse


Ils sortent libres pour la représentation. (France 24)

Leur slam poignant et inspiré de leur vécu en prison a ému aux larmes le public qui leur a offert une standing ovation à la fin. « Je suis une habituée des spectacles ici, mais la j’ai pris une vraie claque », assure Sabine, une spectatrice. (Le Parisien).

Ils sont six sur scène, six tout juste sorti de l’adolescence, six détenus à lire leur texte, leur histoire. La magie opère entre la musique, le rythme et surtout les regards qu’ils croisent dans le public. « C’est la première fois de ma vie. J’étais libre. Sur scène. » (Europe 1)

Faire entrer du théâtre en prison, ce n’est pas rien, c’est la société qui dit à ses détenus : « vous faites encore partie de nous, on vous considère » témoigne Valérie Dassonville.  (Le Point)

Chez les participants, il y a une motivation, un investissement, que j’applaudis, sincèrement, à chaque fois. (Céline Liger sur France Inter)

Je ne sais pas si j’aurai la possibilité de continuer le slam quand je serai sortie de prison mais cette expérience restera inoubliable (…) à la fin, c’était même carrément magique, j’avais l’impression d’avoir gagné la ligue des champions. L’Express

Après deux mois de travail, le résultat est probant. Les notes de Schubert ou Bach accompagnent le phrasé intense des prisonniers qui énumèrent leur quotidien, les petits plaisirs, même derrière les barreaux. « La thématique est la vitalité, glisse Céline Liger. Ce qui nous fait rebondir. » Et inconsciemment ou non, les détenus ont transposé le positivisme de leurs slams sur leur visage. (Le Parisien)

La conception du festival constitue un pari inédit. « On travaille comme jamais, dans des conditions uniques », assure Valérie Dassonville, codirectrice du théâtre Paris-Villette. Ces créations atypiques, fragiles et éphémères montées d’abord en milieu carcéral sans plateau ni matériel sont encore plus compliquées à diffuser. « Nous tenions à incorporer ces propositions au même titre que les autres spectacles de la programmation. »
Parmi les spectacles proposés à Vis-à-vis, De concert ! lecture musicale avec un quatuor à cordes et percussions, a été composée à Fleury-Mérogis, la plus grande maison d’arrêt d’Europe(…) Au terme d’une dizaine de séances à partir de la trame retravaillée d’un texte composé par des détenus l’année passée sur le thème de la vitalité, les prisonniers narrent leur quotidien. Le spectacle, répété dans une salle polyvalente dissimulée tout au fond d’une rangée de cellules exiguës accueille entre six et huit jeunes détenus, tous amateurs, qui entonnent l’un après l’autre au micro : « Quand je me marie avec le temps et qu’ailleurs une fille m’attend… » quitte à crier, pour « ne pas mourir de son vivant ». « Ces textes sont proches du slam, mêlé à de la musique classique », détaille la metteuse en scène de la compagnie Théâtre du menteur, Céline Liger, en charge du projet. Elle résume : « C’est courageux de choisir le théâtre comme activité, au lieu de la muscu. » « C’est vrai, opine Hichem, l’un des participants de 20 ans. Nos choix, on les fait seuls, le regard des gens importe peu. » Le jeune homme, emprisonné jusqu’en novembre 2016, dit avoir « l’impression de changer », et espère gràce à la scène « sortir moins bête ». (Libération)

Lorsque j’ai été nommée au Théâtre Paris Villette, je menais des projets avec la maison d’arrét des hommes de Fleury-Mérogis, j’ai demandé à ma compagnie de poursuivre. On a ouvert en décembre 2013 et en mars 2014 on a monté un premier projet ensemble impliquant le théâtre du menteur, la compagnie Les héroïnes modernes qui travaille avec les femmes du centre social dans le 19e et la maison d’arrêt des hommes de Fleury-Mérogis.
La méthode de création est la preuve que l’impossible n’existe pas. C’est une construction par correspondance. Les deux metteuses en scène ont travaillé sur les mêmes thématiques de fond et de forme, elles se sont rencontrées mais pas les détenus et les femmes du centre social qui se sont vu pour la première fois sur le plateau le matin de la représentation. (Valérie Dassonville) (Toute la Culture)

Extrait de presse
Article du Figaro

 

Lire aussi ci-contre cet article du Figaro du 6 janvier 2016, qui resitue dans ce cadre l’action de plusieurs compagnies en milieu carcéral, on y parle bien sûr beaucoup du Menteur…

« Non, il ne s’agissait pas d’un divertissement »

J’ai souvent entendu dire, lorsque je parlais au dehors des ateliers de création que je menais en milieu carcéral, que cela devait être « dur ».

Bien sûr. D’une certaine façon. Si l’on parle des conditions dans lesquelles elles se font, de la minuscule « salle d’activités » dans laquelle on ne peut que rêver l’espace qui nous attend lors des restitutions, des conditions de détention, de tout ce qui doit être mis en place par les intervenants, le Pôle Culture et l’administration pénitentiaire pour que les séances puissent simplement avoir lieu, des multiples listes, autorisations, précautions qu’il faut remplir, pour que la porte de cette maison d’arrêt, la plus grande d’Europe, puisse à chaque fois, s’ouvrir…

Mais une fois cela dépassé, ce qui enthousiasme, ce qui porte, ce qui reste en mémoire, c’est le projet, c’est cette vitalité (le thème de l’atelier cette année), le sans-concessions-sans-faux-semblants de ce qu’on y partage, de ce qu’on crée ensemble, et l’investissement étonnant et authentique des participants (souvent bien plus fort que « hors des murs »). Choisir le théâtre plutôt que la muscu est un acte parlant, non ?

J’ai souvent entendu dire aussi que travailler avec des hommes, pour une femme, devait être « difficile ». Mais, en ce qui me concerne, je n’ai jamais eu affaire qu’au très grand respect des participants face à l’artiste (homme ou femme, qu’importe). Bien plus qu’au dehors.

J’ai souvent senti que les ateliers de création en milieu carcéral étaient perçus par le monde extérieur comme une activité ayant plus attrait au geste de l’assistante sociale qu’au geste artistique. La meilleure réponse que l’on pouvait apporter à cela a été la standing ovation du public lors de la présentation « à l’extérieur » de notre lecture musicale au Théâtre Paris Villette. Non, il ne s’agissait pas d’un divertissement, mais d’une véritable, aussi modeste soit-elle, transposition du réel : par l’écriture-poème collectif qu’ils ont fait leur, par la musique classique ou du monde avec laquelle ils se sont mariés, par tout ce qu’ensemble nous avons transformé.

À commencer je l’espère, par certaines idées.

Céline Liger